[08/12/2012]

Les inégalités sociales, facteur aggravant du cancer

Source : Libération
Le président François Hollande, qui clôturait les rencontres annuelles de l’Institut national du cancer (Inca), a annoncé mardi à Paris un troisième plan cancer sur quatre ans (2014-2018), axé sur la lutte contre les inégalités face à la maladie et destiné à préparer la France «aux nouveaux enjeux liés aux progrès médicaux».

Le deuxième plan cancer, qui a été une grande réussite par la dynamique qu’il a impulsée, va s’achever en 2013. La question des inégalités en matière de cancer reste essentielle, c’est même un des défis des politiques publiques : comment faire reculer le cancer sans accroître les inégalités ? «La réduction des inégalités était un des trois axes du dernier plan cancer. Nous n’avons pas réussi», a expliqué, sans faux-fuyant, la professeur Agnès Buzyn, présidente de l’Inca, en ouverture de la journée.

Une mortalité plus faible chez les cadres

On connaît les données. Exemple : il y a toujours une forte différence d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre, et cela est directement lié à la pathologie cancéreuse. Depuis vingt ans, les inégalités se multiplient, les écarts se creusent. «En France, dans les années 90, les hommes ayant le plus bas niveau d’études avaient un taux de mortalité 2,3 fois plus élevé que ceux ayant un niveau d’études supérieur, contre 1,5 dans les années 70», écrit ainsi l’Inca. Et on pourrait multiplier les situations : alors qu’il y a plus de cas de cancers du sein chez les femmes cadres, la mortalité est pourtant plus faible dans cette catégorie socioprofessionnelle. Car ces femmes se font mieux surveiller, et donc mieux soigner.

Le paradoxe est que les campagnes de prévention réussissent surtout dans les classes supérieures, et donc favorisent de nouvelles inégalités. S'ajoutent aussi des inégalités territoriales, le Nord et la Picardie étant les régions où l’incidence est la plus forte, tous cancers confondus. Même s'il ne faut pas oublier que 90% des inégalités territoriales sont internes à un même territoire, et seulement 10% relèvent d’une comparaison d’une région à une autre.

«Il faut ouvrir les yeux»

«Ces inégalités sanitaires se rerouvent dans tous les pays, elles sont malheureusement universelles», a rappelé le professeur Jean-Paul Moatti, directeur de l’Institut santé publique d’Aviesan. «Et on le sait, les pathologies cancéreuses sont les causes les plus grandes de ces inégalités.» Archana Singh-Manoux, directrice ajointe de cet institut, a montré un diagramme terrible, qui suit tout le parcours de santé, de la prévention à la détection, puis le dépistage, le traitement et enfin la réinsertion du patient. «A toutes ces étapes, il y des inégalités sociales fortes» qui s’additionnent au final. Au point que lorsque l’on prend la dernière phase, à savoir la réinsertion professionnelle, les écarts sont massifs : «Plus l’emploi est précaire, plus le retour au travail sera difficile», a détaillé la sociologue Anne-Marie Waser. Deux ans après un cancer, seulement 45% des agriculteurs ont repris leur travail contre 74% des salariés des professions intermédiaires.

«Nous devons revoir la philosophie de nos travaux et de nos recherches», a insisté Jean-Paul Moatti qui a donné un exemple : «Il peut être plus utile de fournir des produits frais dans une cantine d’une entreprise plutôt que de proposer un dépistage aux salariés. Il faut sortir de la boîte du tout médical.»

En même temps, rien n’est simple, comme l’a raconté une personne qui a participé à un essai sur des femmes de plus de 50 ans vivant dans un petit village. Le point de départ de ce travail était un faible recours au dépistage du cancer du sein. «En raison de problèmes de transport», se sont dit les acteurs de l’enquête qui ont mis en place un système de transport gratuit jusqu’au lieu de dépistage. Résultat ? Rien. Aucun bénéfice, les femmes ne l’ont pas utilisé. «Les représentations de la santé sont aussi en jeu», a fait remarquer un sociologue. Et Jean-Paul Moatti d'insister : «Il faut ouvrir les yeux, sortir de nos schémas tout simples. Et n’avoir qu’un repère : en matière de lutte contre les inégalités, définir ce qui marche et ce qui ne marche pas.»
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